En cliquant sur un lien de L'envers de la médaille, dont j'ai rencontré l'auteure au Yulblog, je viens de découvrir un tout jeune traducteur en stage au gouvernement fédéral. J'étais au Bureau de la traduction il y a très longtemps, de 1980 à 1982, alors un de ses textes m'a rappelé de vieux souvenirs.
Jiji parle des étapes qu'il suit pour traduire un texte, premier jet, etc. Moi ça fait longtemps que je ne sais plus ce que c'est, un premier jet. C'est à dire que le premier jet est souvent le dernier, je n'ai pas le temps (ou l'envie) de retravailler le texte. Je suis pigiste et je traduis des textes administratifs, en général pour des banques. C'est très rare que je relise un texte au complet d'une traite parce que je risquerais de m'endormir dessus avant d'arriver au bout. Et en fait, tout le monde s'en fout, pourvu qu'il n'y ait pas de fautes et qu'on respecte la terminologie (titres de formules, etc.), ça va. J'essaie que ce soit compréhensible mais comme le texte de départ est souvent très peu clair, on ne peut pas faire de miracles. Le client peut nous fournir de la terminologie, mais «l'auteur» du texte est un personnage qui a l'air presque fictif, en tout cas pour les textes que je traduis la plupart du temps. Donc il faut essayer de deviner ce que la personne qui a écrit ça voulait dire. J'ai peut-être une vision plus négative que d'habitude parce que je viens de passer plusieurs jours sur un texte en style assez télégraphique, truffé de titres de postes, de titres d'écrans, de termes tirés d'écrans (je précise que je n'ai pas les écrans en question, je n'ai aucune documentation), avec des majuscules mises de façon aléatoire (donc difficile d'identifier ce qui est vraiment un titre), des mots qui manquent, pas vraiment de phrases. En plus, comme il s'agit de listes de tâches diverses que doivent faire des employés, ça porte sur plein de systèmes et sujets différents. J'ai l'impression d'avancer dans une forêt épaisse en me frayant un chemin avec un canif... Je dois prendre un temps fou à dresser une liste de questions en utilisant un formulaire, puis espérer que les terminologues du cabinet de traduction avec lequel je fais affaire trouvent quelques termes, mais dès qu'il s'agit de sens, ils envoient les questions au client. À cette étape-là, il me reste à attendre que le terminologue du client ait le temps de se pencher là-dessus et nous réponde plus ou moins. S'il ne répond pas vraiment, on recommence à jouer aux devinettes et des fois, c'est presque une question de pile ou face pour le sens, on ne sait pas. Et de toute façon, est-ce que quelqu'un lit la version française de ces textes (manuels, etc.)? Puisque souvent la traduction tarde, les gens qui ont besoin du texte l'ont plutôt lu en anglais et on traduit pour répondre aux exigences de la loi, qui oblige les banques à tout traduire. Disons que ça n'est pas très valorisant, mais bon, il y a plein de gens qui font un travail inutile.
Allez, il faut que j'y retourne (oui, même un dimanche). Merci de m'avoir laissé vous raconter tout ça, ça m'a fait du bien! Et peut-être que votre travail vous paraîtra plus intéressant en comparaison...
J'avais dit à Feloshiva au Yulblog que je ne parlais à peu près pas de mon travail dans mon blogue, on évoquait les dangers de critiquer un employeur ou des clients dans un blogue, mais là, j'avais vraiment besoin de me défouler. Je compatis avec la P'tite frisée et ses manuels de cloueuse pneumatique, je sais tout à fait de quoi elle parle...